Triste et irrité.

Pascal COLLET
9 décembre 2012

Triste et irrité.

Nous lisons dans le premier livre des Rois, au chapitre 20 et verset 43.

Achab est donc triste et irrité, après pourtant une victoire improbable sur l’armée syrienne et son roi Ben Hadad. Il est vrai que l’attitude d’Achab après la victoire est surprenante : alors qu’il avait reconnu que le roi de Syrie était un ennemi qui leur voulait du mal, voilà qu’il l’appelle « mon frère », et qu’il le fait monter sur son char, ce qui était une marque d’honneur à l’époque. Cette attitude n’est pas inspirée par la charité mais par la vanité, et c’est la raison pour laquelle un prophète va venir avec le message de Dieu au verset 42.

Cette expression « triste et irritée » nous fait penser à d’autres textes bibliques que nous allons lire maintenant :2 Chron 16/7-10; 26/16-21; Jean 8/48 où l’expression n’est pas, mais l’irritation y est bel et bien. Nous avons donc divers cas de figure, divers profils (Asa et Ozias ont été de bon rois pendant un temps), mais une même réaction, ce qui nous amène à penser que nous avons ici la nature humaine telle qu’en elle-même. Nous pourrions ajouter cette question de Paul adressée aux chrétiens galates : « suis-je devenu votre ennemi en vous disant la vérité ? ». Pas seulement la vérité « générale » qui cependant peut aussi provoquer de l’irritation, mais plutôt une vérité particulière en rapport avec nos vies. Là où Jésus nous dit que la vérité libère l’être humain, il nous arrive de la considérer comme gênante et peut-être même comme une agression causant alors tristesse et irritation.

La plupart du temps à ce stade-là, il y a dans nos coeurs un bouc émissaire c’est-à-dire quelqu’un que nous considérons comme responsable de ce qui ne va pas, quelqu’un que nous chargeons de notre situation ou de notre réaction, quelqu’un qui cristallise notre tristesse et notre irritation. Ce bouc émissaire a été l’homme de Dieu pour Achab,Hanani pour Asa, Azaria et les 80 sacrificateurs pour Ozias, et Jésus pour des croyants de son temps ! Si nous avions des doutes sur l’inspiration mauvaise de ces attitudes de tristesse et d’irritation, ils sont levés par le fait que Jésus lui-même a aussi été la cause de cette colère ! Mais le bouc émissaire n’est jamais la vraie cause ; celle-ci est en rapport avec ce que la Bible et notamment le nouveau testament appelle la chair, le « moi » y compris le moi religieux.

En lisant ces textes, un grand malaise s’empare de notre coeur. Nous réalisons qu’il y a là quelque chose d’inaccompli ; on pressent que les choses et les personnes pourraient être autrement, et ceci nous est confirmé par des exemples dans la Bible. Ce malaise est aussi causé par le fait que cette réaction de tristesse et d’irritation peut devenir durable et s’installer dans un coeur comme une mort lente étendant son ombre ; le risque est réel d’un enfermement dans des raisonnements faux et stériles. N’avez-vous jamais été surpris d’entendre Jonas répondre à Dieu qui lui demandait s’il faisait bien de s’irriter : « je fais bien de m’irriter jusqu’à la mort ». Voilà ce qu’il ose répandre à Dieu !

En même temps, s’il y a de la tristesse et de la colère, c’est que le Seigneur a visé juste. Effectivement, dans tous les exemples cités même s’ils sont différents, c’est le cas. Il y a donc un vrai problème à régler et ce problème n’est pas le bouc émissaire ; s’il y a un problème à régler il y a aussi une victoire a remporter.

Lisons un dernier texte dans la deuxième épître aux Corinthiens, au chapitre sept, les versets huit à 10. La lettre sévère de Paul à l’église de Corinthe a elle aussi provoqué une tristesse. Mais cette tristesse n’a pas été accompagnée de colère contre Paul. C’est l’occasion pour Paul de nous éclairer et de nous montrer qu’en réalité, il y a une double tristesse : où cette tristesse  produit la mort, et celle-ci nous ramène aux textes lus précédemment, où la tristesse porte à la repentance. Bien des exemples existent dans la Bible d’une vérité divine attristante mais qui a porté à la repentance. Citons par exemple Aaron et Marie ( Nbres 12/11), Job, David, Israël à plusieurs périodes de son histoire, Ninive, quelques contemporains de Jésus, les juifs à la Pentecôte, et peut-être mais nous n’en savons rien,  une ou plusieurs des églises de l’Apocalypse auxquelles le Seigneur a prescrit la repentance. Cette tristesse qui porte à la repentance occasionne alors un vrai renouvellement de pensées tout d’abord, de coeur, de vie, quelque foi même de santé, de vécu spirituel, d’affection. C’est comme si ce qui était dirigé contre le bouc émissaire s’était transformé en jugement lucide  et juste contre soi-même, motivant un recours à la grâce de Dieu, au précieux sang de Jésus et ouvrant la voie à une oeuvre de restauration opérée par le Saint Esprit.

Nous sommes nous laissés gagner par la tristesse et l’irritation comme réponse à une vérité divine ? Ces états d’âme se sont-ils installés dans notre coeur, même s’ils ne sont plus aussi aigus qu’au tout début ? Nous avons besoin de sortir de ces ornières par un vrai renouvellement de nos pensées, non plus tournées vers le bouc émissaire que nous avons trouvé, mais transformant la tristesse en repentance pour vivre un profond renouvellement.