…sa langue se délia, et il parla très bien.

Pascal COLLET
2 novembre 2014

…sa langue se délia, et il parla très bien.

Nous lisons dans l’Évangile de Marc, au chapitre sept, les versets 35 à 37.

Qu’est-ce qui est le plus difficile : faire parler un muet ? Faire taire quelqu’un quant à ses mauvaises paroles ? Amener un disciple à prononcer les bonnes paroles, à Dieu et à son prochain ? Il est plus facile pour Jésus de faire parler un muet comme ce texte le montre, que d’assécher la source de paroles mauvaises ou d’amener un disciple à bien parler.

N’est-il pas étonnant que dans certaines compagnies chrétiennes, c’est quand on demande qui va prier que le silence se fait ? Certaines formes nouvelles de la prière, comme par exemple le fait de prier en petits groupes, physiquement soudés les uns aux autres, ne masquent-elles pas en fait le recul de l’esprit de prière ? Que penser encore de l’animation de la louange, qui prive les chrétiens de s’exprimer dans la prière ? Nous pouvons souhaiter chanter à Dieu en ayant une claire conscience que nous nous adressons à Lui ; nous pouvons chanter dans un esprit identique à celui de la prière, il n’en demeure pas moins vrai que chanter est une chose, prier en est une autre.

Et que penser encore de ceci : à peine l’amen final prononcé pour la clôture du culte que des bouches désespérément muettes pour Dieu jusque-là se mettent à s’ouvrir sans retenue, certes pour des salutations fraternelles bien compréhensibles, ou quelquefois hélas pour d’autres paroles inutiles, mais cette différence de traitement entre Dieu et notre prochain en dit long… Pourquoi aucune parole ne fut telle adressée à Dieu ? Non que je mette sur le même plan la prière et le bavardage !

Nous en revenons donc à notre pensée de dimanche dernier : faire vivre  notre communion avec Dieu. Il y a bien longtemps que quelqu’un a pour la première fois  comparé la prière à la respiration de l’âme. Avez-vous déjà vu une personne congestionnée ? Cherchant son souffle ? Oppressée ? Ces situations qui nous ont mis dans la gêne peuvent aussi évoquer notre relation avec Dieu, si celle-ci manque de souffle. Qu’il s’agisse de confession (de tous ordres : de Jésus-Christ, des promesses de Dieu, de nos péchés et nos manquements), qu’il s’agisse de crier  « au secours », qu’il s’agisse d’action de grâces, il est nécessaire de donner du souffle à notre communion avec Dieu.

Si nous avons souligné dimanche dernier qu’il y a de bons silences, nous devons mentionner aussi qu’il en ait de mauvais. Lisons dans l’Évangile selon Matthieu, au chapitre 22, le verset 12. Et puisque cette parabole concerne le royaume de Dieu, il y est question du rendez-vous avec le roi. C’est à cette occasion que la bouche de cet homme a été fermée, c’est-à-dire qu’il n’a rien eu à répliquer à la question qui lui était posée. Il est convaincu de son péché, mais c’est trop tard. Cette bouche fermée évoque donc quelque chose de redoutable !

Retournons dans l’Évangile de Marc, tout d’abord au chapitre trois et au verset quatre, puis au chapitre neuf, et au verset 34. Le silence a donc été gardé par les auditeurs dans la synagogue, et par les propres disciples de Jésus. Pourquoi ce silence ? Il exprime la gêne devant une parole divine. Qui d’entre nous n’a jamais connu ça ? Mais il faut vivement souhaiter que personne ne se soit installé dans l’habitude de garder le silence à chaque fois que la Parole de Dieu nous touche avec pertinence.

Regardons maintenant comment Dieu voit les choses concernant notre relation avec Lui. Allons dans le livre du prophète Esaie, au chapitre 50, le verset deux. Ajoutons dans le même livre, au chapitre 65, le verset 12, puis allons dans le livre du prophète Jérémie, au chapitre sept, le verset 13 puis le verset 28.

Dieu lui-même s’étonne qu’il n’y ait pas de réponse : « j’ai appelé : pourquoi personne n’a-t-il répondu » ? Effectivement, c’est étonnant : c’est Dieu qui parle ! Nous allons au-delà de la simple politesse qui demande qu’en général on réponde à qui nous parle, et nous considérons l’anomalie suivante : bien que ce soit Dieu qui parle à l’être humain, celui-ci ne lui répond rien. Sa bouche reste fermée.

 

C’est dans cet esprit d’un nécessaire dialogue que dans cette salle, nous avons fait le choix délibéré suivant : permettre la prière après l’annonce de la Parole de Dieu.

Pourquoi personne n’a-t-il répondu ? Quelles raisons pouvons nous donner à ce fait étrange ?

Quelques-uns avanceront l’argument de la nécessaire réflexion. Certes, nous ne voulons pas être des chrétiens  irréfléchis ; nous n’aimons pas ce qui est léger ; la raison saine et la capacité de méditer et de réfléchir sont des grâces d’une intelligence renouvelée. Mais, la spontanéité dans la réponse a aussi sa valeur : elle indique un coeur sensible, empressé pour Jésus. Souvenez-vous d’un texte de dimanche dernier : Jésus a à peine fini de parler au père, qu’aussitôt celui-ci lui répond. Aussitôt ! Qu’auriez-vous pensé d’un père qui aurait pris le temps de décortiquer la parole que Jésus venait de lui adresser, à savoir : « tout est possible à celui qui croit » ?

Pour expliquer le phénomène surnaturel qui s’est produit dans la chambre haute à Jérusalem, Luc écrit que les autres langues dans lesquelles les disciples se sont mis à parler étaient l’expression de ce que le Saint Esprit leur donnait de s’exprimer ( Act 2/4). C’est bien sûr vrai du parler en langues, qui, je le rappelle nous permets de dire les merveilles de Dieu, mais n’est-ce ce vrai que du parler en langues ? Le Saint Esprit nous donne aussi à exprimer tout ce qui mérite de l’être ; agissant par la Parole de Dieu qu’Il a inspiré, il nous pousse à exprimer ce qui est en accord avec elle.

Pourquoi personne n’a-t-il répondu ? Parce que la Parole de Dieu a touché un point gênant, ce qui signifie que notre relation avec Dieu est au moins compromise. Quand nous ne répondons pas dans ce genre de situation, que se passe-t-il ? Au fil du temps, la gêne s’estompera, et tout continuera comme avant, c’est-à-dire comme si Dieu ne nous avait pas parlé. Alors, nos rendez-vous dans le lieu secret, comme dans l’assemblée ne sont plus de vrais rendez-vous, mais une routine religieuse, avec uniquement un monologue et sans dialogue. Pensez à la somme de victoires qui n’ont pas été remportées parce que nous avons gardé le silence ; pensez aux progrès qui n’ont pas été réalisés… Alors, l’âme ne respire plus.

Dieu dit par Jérémie, après avoir dit qu’il ne Lui avait pas été répondu quand Il avait appelé, que la vérité a disparu, qu’elle s’est retirée de leur bouche. Bien sûr d’abord du coeur, mais aussi de la bouche. Notre bouche doit témoigner de notre attachement à la vérité, de notre amour pour l’accueillir. Quand la vérité se retire de notre bouche, que reste-t-il ? Le silence, ou le mensonge.

Le muet  touché par Jésus parla très bien ! La puissance divine est à notre disposition pour faire vivre et prospérer notre relation avec Dieu.