Où irais-je avec ma honte ?

Pascal COLLET
23 novembre 2014

Où irais-je avec ma honte ?

La honte étant un sentiment de confusion, souvent devant une faute commise ou un tort, elle est liée à la culpabilité. Dans le texte lu, il s’agit d’une immoralité familiale : Amnon viole sa demi-soeur, puis la rejette. Nous ne voulons pas réduire la honte à la seule immoralité, en notant que l’évolution des moeurs a beaucoup fait reculer le sentiment de honte ! Toutefois, il faut savoir que laisser libre cours aux passions ne sera jamais sans conséquence pour l’être intérieur.

Élargissons donc le champ de présence de la honte avec quelques textes bibliques. Lisons dans le livre des Proverbes,  au chapitre 10, la fin du verset cinq ; puis au chapitre 19, le verset 26. Nous sommes là dans le cadre familial, mais avec des situations totalement différentes de celle évoquée par la lecture d’introduction. Passons maintenant au cadre ecclésial en lisant dans la première épître aux Corinthiens, au chapitre six, le verset cinq; puis au chapitre 15, le verset 34. Notons en passant la loyauté de Paul ! Il ne s’agit pas de « mettre la poussière sous le tapis » !

En parlant de la honte ce matin, nous ne visons pas l’hypersensibilité des consciences faibles. Nous précisons également ne pas viser un handicap quel qu’il soit. Enfin, il faut rappeler qu’il y a des sujets qui ne devraient pas faire honte : je pense notamment aux adolescents si conditionnés dans leur manière d’être, et qui pour certains sont honteux par exemple, de ne pas porter de vêtements de marque, ou plus généralement d’être différents. Or ceci devrait être une fierté au contraire, ou plus exactement pour reprendre une expression de l’apôtre Paul : un sujet de gloire. Une fois ces choses précisées, revenons à la question posée par notre texte.

Il ne fait pas de doute que le monde avance ses solutions par rapport à la honte : la psychologie, les médicaments… mais nous savons que les problèmes moraux et spirituels ne sont pas résolus par ces moyens. Le monde proposera des sorties, de la musique, des ambiances visant à masquer la honte  par son contraire : la gaieté, le rire. Et puis, en pensant à ce que Paul écrivait aux Philippiens ( 3/19), le monde propose un combat radical contre la honte : faire de ce qui fait  honte un sujet de gloire. Nous n’avons pas là seulement une inversion, mais une volonté d’inverser les choses, qui quelquefois confine à la provocation. Lisons un autre texte dans le livre du prophète Jérémie,, au chapitre trois, le verset trois : Israël n’a pas voulu avoir honte !Le peuple a eu le front d’une prostituée! Cela laisse à supposer que lorsque la honte raisonnable commençait à se faire sentir , elle a été repoussée. Placée dans la révélation du nouveau testament, cette attitude signifie une opposition au Saint Esprit qui convainc l’être humain, dans le but de le relever vraiment.

Que dit Dieu en Ezéchiel 36/32 ? Lisons aussi le verset 31. Il encourage une perception juste des fautes. Voilà qui semble étrange à l’évangile moderne d’aujourd’hui ! Mais Dieu encourage cela parce qu’Il sait que par ce passage, le coupable obtiendra miséricorde, et Il sait aussi que celui qui résiste à ce sentiment de confusion lorsqu’il est justifié ne prospérera pas. Dans la même pensée ajoutons la lecture du texte qui se trouve dans la deuxième épître aux Thessaloniciens, au chapitre trois, les versets 14 et 15. Il ne s’agit pas ici d’adopter une approche « moralisatrice », propre  juste, mais spirituelle. Le concerné est un frère, et autant que faire se peut, il  faut qu’il évolue par la correction.

La situation mérite plus et mieux que les emplâtres : « où irais-je avec ma honte » ? Que va-t-elle faire ? Comment va-t-elle vivre avec ce sentiment qui l’a saisie ? Quel va être son avenir par rapport à la circonstance qui a fait d’elle une victime,  honteuse comme peuvent l’être d’autres victimes ?

Faisons allusion maintenant à la parabole du fils perdu. Même si la chose n’est pas dite explicitement, nous pouvons être convaincus à la lecture de ce texte qu’à un moment donné, ce jeune homme a été saisi de confusion. Il y avait plusieurs raisons à cela : mentionnons d’abord une raison culturelle et religieuse, liée à l’époque : il se retrouvait dans sa décgéance à garder les cochons ! Le talmud dit : « maudit soit l’homme qui élève des cochons » ! Mais il y a d’autres raisons liées, non pas aux circonstances de l’époque, mais à la conscience humaine : il avait dissipé son bien en vivant dans la débauche ; et,  ne l’oublions pas, il avait mal traité son père lorsqu’il lui avait demandé la part de son héritage avant de partir et de le quitter. Nul doute que son attitude dans ce moment-là a participé à sa confusion plus tard. La suite du récit nous le montre repentant, retournant vers son père sans chercher à se justifier et en acceptant ce qui lui serait donné fût-ce la moindre part. Non seulement il sera accueilli, mais il sera restauré. La conclusion que nous pouvons tirer de cette parabole en rapport avec notre question, c’est qu’il nous faut affronter clairement le sujet de honte qui nous atteint. L’Évangile nous y invite et le permet : nos fautes ont été portées par Jésus à la croix ; c’est le moment de la grâce, qui s’exerce dans la vérité.  Oubliera-t-il son comportement coupable durant son temps d’égarement ? Pas forcément, mais là n’est pas l’essentiel. Lorsque Paul évoque la vie passée des Romains, il leur rappelle qu’ils  portaient alors des fruits dont ils rougissent aujourd’hui ( Rom 6/21). Je ne sais pas si nous rougissons encore , mais ceci peut être un bon signe par rapport à la sensibilité de notre coeur à Dieu  et au péché. On peut ne pas oublier, l’important est que tout ait été pardonné, et donc oublié par Dieu. C’est dans ce type de démarche indiquée par la parabole que naissent des certitudes paisibles  pour le repentant par rapport à sa honte d’alors. Il célèbrera la grâce de Dieu, et peut-être d’une façon plus particulière, la grâce  que Dieu Lui,  n’est pas honte d’être appelé son Dieu, comme le texte le dit à propos des « pauvres » patriarches ! ( Héb 11/16).

Il me semble que l’église fidèle a aussi un rôle à jouer par rapport à celui qui est justement atteint par la honte. Lisons dans la deuxième épître aux Corinthiens, au chapitre deux, les versets six et sept. Nous déduisons quelquefois que l’homme dont il est question pourrait être  celui qui vivait dans une immoralité flagrante et qui était mentionné dans la première épître. ( 5/1-4). Revenons au texte de la deuxième épître, car nous y trouvons l’indication d’une maturité spirituelle à double titre  : d’abord au titre de la prise de conscience de la gravité du mal, qui ne doit jamais être niée, même par amour fraternel. Un châtiment avait été infligé au coupable par le plus grand nombre. Ensuite, par la capacité, à l’image du Père céleste et en Jésus-Christ, à faire prévaloir la grâce pour celui qui s’est repenti.

 

Collectivement, pouvons-nous : entendre la confusion sans curiosité, sans bavardage, sans jugement ?

Accueillir « le honteux » dans la vérité, sans commentaire, sinon la reconnaissance à Dieu ?

Consoler non en niant le tort, mais en rappelant à celui qui est confus toutes les promesses de la Bible concernant celui qui reconnaît sa situation ?

Je termine en citant le texte bien connu du Psaume 34, dans ses versets cinq et six. Le salut de Dieu nous évite bien des confusions, et le Dieu de notre salut est encore Celui qui par son pardon, nous permet aussi de sortir valablement de la honte. Ainsi avons-nous répondu à la question posée : « où irais-je avec ma honte » ?