Loin de…

Pascal COLLET
13 mai 2012

Loin de…

Nous lisons un premier texte qui se trouve dans l’Évangile selon Matthieu, au chapitre 12, les versets 14 et 15. La réaction de Jésus qui a été de s’éloigner de ce lieu n’était pas de la lâcheté, mais une réaction appropriée devant le danger. Plus tard, quand l’heure sera venue, Jésus prendra la résolution de se rendre à Jérusalem (Luc 9/51). La Bible nous invite nous aussi à nous éloigner du mal. Lisons les textes suivants :Ps 101/4; Prov 14/7; Rom 13/12-14; 1 Pi 3/11; 2 Tim 2/19; 3/5. En filigrane, nous voyons derrière ces textes la beauté et la grandeur de la vie chrétienne. Le reproche quelquefois justifié de l’hypocrisie peut, peut-être, concerner la religion chrétienne, mais en aucun cas le chrétien authentique qui, étant devenu « en Christ » vit et apprend à vivre « loin de… ». Nous avons là à la fois l’oeuvre divine au travers du don d’un coeur nouveau qui ne se nourrit plus d’iniquité, de péché, de disputes et de querelles etc., qui ne les supporte plus, et la discipline personnelle du disciple. Lisons à ce propos dans l’Évangile selon Matthieu, au chapitre cinq, les versets 29 et 30. « Jette-le(la) loin de toi… ». Nous sommes ici sur le terrain des grands enjeux : c’est l’horizon éternel qui est la mesure de notre vie maintenant. Devant ces grands enjeux, Jésus emploie un langage certes imagé, mais radical. Le problème du péché serait-il réglé par une amputation ou une énucléation ? Non bien sûr. Il faut une autre solution, qui passe par la croix ou non seulement Jésus est mort pour nous, mais où nous sommes morts avec Lui afin de ressusciter en Lui, ce qui est l’un des témoignages du baptême biblique, tel qu’exposé au chapitre six de l’épître aux Romains. Mais, que cesse toute complicité avec le mal, tout consentement, toute mollesse. Jésus veut qu’un coeur résolu puisse mettre de la distance morale et aussi quelquefois géographique, entre toute source mauvaise et nous. Ailleurs dans le Nouveau Testament, il est écrit : « fuyez… ».

À cet esprit décidé, ajoutons la sagesse. Lisons maintenant dans le livre des Proverbes, au chapitre cinq et au verset huit. Dans le contexte, il est question du piège de l’immoralité, et ce fils est invité à s’éloigner de la femme fatale, mais pas seulement, et bien avant et plus précisément, à s’éloigner du chemin qui conduit chez elle. Je dis en passant qu’il n’est pas concevable que des chrétiens de sexe différent consentent à habiter ensemble soit parce qu’ils ont l’intention de se marier plus tard, ou pour tout autre raison. L’impudicité consommée a ses chemins qui y conduisent, et il nous faut être vigilant pour ne pas les emprunter. Mais élargissons ce texte à toute forme de mal. Souvent en effet, il y a un chemin qui y conduit. L’emprunter en se disant qu’on ne péche pas encore est donc une légèreté coupable. J’entends dire quelquefois : « y’a pas de mal à ça » ; en sommes-nous si sûrs ? On aurait certainement pu dire la même chose de Lot au début de son choix, avant qu’il n’arrive à être une autorité de la ville même de Sodome ! On aurait pu dire ça aussi de David qui n’était pas parti à la guerre mais se promenait en soirée, avant qu’il ne commette adultère avec la femme d’un de ses vaillants guerriers. Nous ne sommes pas névrosés, obnubilés par le mal, mais réalistes : le péché nous enveloppe si facilement, d’autant plus que nous sommes dans une période de grande recrudescence du péché.

Que penser alors de ceux qui cherchent à repousser le plus loin possible les limites de ce qu’il ne faut pas faire ? « C’est pas un péché ! » Peut-être, mais c’est certainement un chemin qui peut y conduire… Comme l’écrivait un revivaliste, la grâce est à marée basse quand on raisonne de cette manière.

Mais derrière cette mollesse, cette complaisance qui combat l’éloignement du chemin qui conduit au péché, n’y a-t-il pas au fond du coeur un attachement secret, une affection illégitime par rapport à l’amour que nous devons à Dieu ? Et c’est cet attachement qui explique nos atermoiements, notre indécision : on ne veux pas s’en débarrasser. Et c’est ainsi que nous gardons ce que nous devrions offrir, que nous chérissons ce que nous devrions jeter au loin, que nous défendons ce que nous devrions condamner. La tribu de Benjamin a refusé de livrer à Israël les fils de Bélial qui en son sein avait agi au préalable de manière si perverse.(Juges 20/13).

Un coeur livré! Avec les attachements secrets qui nous conduiraient à emprunter le chemin qui mène au péché, comme aussi avec des attachements légitimes : entendons la parole de l’Ange de l’Eternel, adressée à Abraham : « je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique ». Notre autel, c’est la croix. Et si nous amenons nos attachements à la croix, nous connaîtrons la victoire et la liberté de la croix.