L’idolatrie (5)

Pascal COLLET
28 octobre 2012

L’idolatrie (5)

Arrêtons-nous ce matin sur une autre forme d’idolâtrie : l’idolâtrie du succès, de la puissance, de la gloire humaine. C’est celle qui correspond à « l’orgueil de la vie » dont parle Jean dans sa première épître, au chapitre deux, et au verset 16. Précisons d’emblée qu’il n’est pas nécessaire d’avoir tout raté pour être un bon chrétien ! Le chrétien n’est pas forcément« au bas de l’échelle », même s’il peut aussi y être. Le succès n’est pas un problème ; c’est quand le succès devient la valeur essentielle et qu’elle devient aussi la mesure de la valeur personnelle. Une championne de tennis disait ceci : « je n’avais aucune idée de qui j’étais, ou de ce que je pourrais être en dehors du tennis. J’étais déprimée et effrayée par ce que toute ma vie avait été définie par mon statut de championne. Quand je gagnais, je sentais que j’étais quelqu’un. Je me sentais belle. C’était comme si j’étais dépendante d’une drogue. J’avais besoin de victoire, d’applaudissements pour trouver mon identité. »

La culture de compétition dans laquelle nous sommes immergés rend ce comportement plus évident encore. C’est ainsi qu’un célèbre publicitaire a pu dire il y a quelque temps : « si à 50 ans, t’as pas de Rolex, t’as raté ta vie ! »

Le succès  vécu sous cet angle déforme l’opinion de nous-mêmes et notre manière d’aborder nos problèmes, ainsi que notre rapport avec Dieu. Allons maintenant dans le deuxième livre des Rois, au chapitre cinq, les cinq premiers versets. Cet homme connaissait pleinement le succès, le pouvoir, la gloire humaine, mais il était un mort ambulant à cause de  la lèpre. Son coeur est très bien décrit au verset cinq. Et aussi déjà son problème avec  la foi. Car cet homme croit à sa guérison, mais il  croit en étant plein de lui-même. Il est sûr de lui, de sa valeur et cela est le fruit de ses succès passés. Il part avec une lettre de recommandation « de roi à roi » car la chose doit se traiter au plus haut niveau ; il part avec le fruit de ses succès : 350 kilos d’argent, 70 kilos d’or, 10 vêtements de rechange. Cet homme se sert donc de son succès passé, de sa valeur, pour régler son problème et obtenir une grâce divine. Il voulait aussi contrôler sa guérison : qu’elle se passe comme il le voulait et ainsi, il en retirerait une fierté supplémentaire. Il pensait que ses réussites lui donnaient un certain droit ; il cherchait un Dieu docile, malléable à ses désirs ; un Dieu qui lui soit redevable, avec lequel on trouve un terrain d’entente : celui de notre valeur personnelle.

N’y a-t-il pas du Naaman en nous ? À d’autres niveaux bien sûr, plus modeste que le sien : dans les cours d’école ; dans toute forme de réussite ; dans la marche de la maison, le travail, le sport, l’argent, et même le ministère pastoral et plus largement le service de Dieu. Ne voyons-nous pas la recherche de titres ronflants chez certains ? En contradiction flagrante avec l’esprit du serviteur si magnifiquement illustré par Jésus en Jean 13. Si nous avons  du Naaman en nous, nous avons un problème avec Dieu, et je ne parle pas ce matin du problème avec la vraie et seule grandeur de Dieu, mais du problème avec la grâce de Dieu. N’avez-vous jamais lu ces textes surprenants de Paul aux Corinthiens, lorsqu’il dit en leur parlant d’eux que Dieu a choisis les choses folles du monde, les choses faibles, les choses viles, les choses qu’on méprise. Dieu a choisi ! Il n’a pas pris ce qui restait ! Un être humain plein de lui-même, ayant une haute opinion de lui-même aura donc un vrai problème avec la grâce de Dieu.

Mais reprenons notre lecture concernant Naaman au verset six, puis aux versets huit à 12. Nous le retrouvons en colère, et même furieux. Pourquoi ? D’abord à cause de l’attitude du prophète qui ne prend même pas la peine de venir à sa rencontre ; il est insensible à sa valeur, à son or et à son argent. Naaman comprend qu’il n’aura pas de pouvoir sur cet homme de Dieu, ni non plus sur le Dieu de l’homme! Ensuite, c’est la condition de la guérison qui le met en colère. Imaginons cet homme entendantde la part du messager du prophète l’ordre suivant : « va te laver… et tu seras pur». Il aurait préféré avoir à faire quelque chose de difficile, comme du reste ses serviteurs ne lui diront, quelque chose qui l’aurait encore mis en valeur ; mais se plonger sept fois dans le Jourdain ne demandait aucune compétence. N’importe qui pouvait le faire, et Naaman n’était pas n’importe qui ! Voyons comment nous pouvons idolâtrer le succès au point que cela torde notre relation avec Dieu. Qu’est-ce qui vous arrête dans la vie spirituelle ? Qu’est ce qui vous frustre ? Vous irrite ? N’avez-vous pas un problème avec l’opinion que vous avez de vous-même, opinion forgée dans le temps par vos réussites ? Évidemment, il y aura toujours un bouc émissaire : pour Naaman, c’était le prophète, sa manière de faire et de ne pas faire ! si vous en êtes à rechercher des boucs émissaires, mettez cette disposition de côté pour enfin sortir de vos ornières. Le problème est certainement en vous.

Reprenons la lecture au verset 14. À l’appui de ce verset, quelques textes bibliques sont les bienvenus pour nous montrer comment l’être humain peut obtenir la grâce de Dieu. Lisons au Psaume 18, le verset 28 ; puis dans l’épître de Jacques, au chapitre quatre, les versets six et 10 ; enfin dans la première épître de Pierre, au chapitre cinq, le verset six. Dieu sauve celui qui s’humilie. Ces textes ne sont pas un encouragement au dénigrement de soi ou à la dépréciation, et donc à la morosité voire à la dépression qui s’ensuivrait. Il s’agit de s’humilier lorsque quelques succès obtenus ont fait du succès la valeur centrale au détriment de la foi simple jaillissant du coeur. Il s’agit de s’humilier pour tout ce qui a empêché l’obéissance de la foi, pour tout ce qui a à voir avec le même type de colère que Naaman. « Tel que je suis, sans rien à moi… ». Comme ce champ le dit si bien : sans rien à moi. Et pourtant, nous cherchons quelquefois en nous-mêmes, en notre valeur personnelle, en notre appréciation de nous-mêmes quelque chose a amener avec nous en le portant dans le coeur devant Dieu. Voilà comment l’idolâtrie du succès biaise notre rapport avec Dieu.

La guérison obtenue l’a été par le moyen de la petite servante souffrante. Toute grâce obtenue le sera pour nous par le moyen du Grand Serviteur souffrant : Jésus. La difficulté fut pour lui. La valeur suprême, c’est la Sienne. L’accomplissement parfait Lui est revenu. Entendons encore ces quelques paroles de Paul, poursuivant aux Corinthiens : «… Jésus a été fait pour nous sagesse, justice, sanctification et rédemption ». Il a été fait pour nous ! Qu’avons-nous encore besoin de chercher à établir notre valeur personnelle ? Une haute opinion de nous-mêmes ? Laissons la Parole du seigneur nous émonder maintenant.