L’idolâtrie (4)

Pascal COLLET
21 octobre 2012

L’idolâtrie (4)

Nous lisons dans l’épître aux Colossiens, au chapitre trois, le verset cinq, puis dans l’épître aux Ephésiens, au chapitre cinq, le verset cinq, et enfin dans l’Évangile de Luc, au chapitre 12 et au verset 15.

L’argent est bien évidemment une idole importante dans le monde aujourd’hui. Le « toujours plus » et la cupidité n’ont-ils pas été des moteurs majeurs dans les dernières crises économiques ? Cette idole est souvent peu identifiée dans le monde chrétien : quelqu’un a dit qu’elle se cachait. Il est vrai qu’il est facile pour le chrétien de se rassurer en se comparant, et comme tant d’autres sont « immergés » dans la cupidité, nous pourrions d’autant mieux nous cacher. Hier soir, je mentionnais le récit du réveil dans la Drôme dans les années 1920-1930, réveil qui, après la prière persévérante de quelques-uns, commença par la confession humble et publique d’une pauvre paysanne qui reconnaissait avoir jusqu’alors vécu pour sa ferme, ses chèvres et ses picodons, qui en demandait pardon à Dieu et qui voulait désormais vivre pour Lui. C’est peut-être parce que cette idole se cache plus que d’autres que Jésus dira dans le texte lu qu’il faut veiller avec soin.

À travers cette idole, d’autres valeurs sont recherchées et servies : contrôler sa vie ; accéder à certaines positions réputées ou à certains cercles fermés ; exercer un pouvoir sur le prochain. Une épouse chrétienne s’était plainte auprès du pasteur de l’avarice de son mari. Quelque temps plus tard, l’époux allait se plaindre parce que sa femme était trop dépensière pour les vêtements et l’apparence. Ce dernier fait était patent, mais loin d’en rester à ce seul fait, le pasteur a orienté le mari sur la valeur qu’il recherchait au travers de son avarice en lui montrant qu’il « dépensait en économisant » pour contrôler sa vie et obtenir une parfaite sécurité. L’époux a pu réfléchir en réalisant qu’il n’avait pas vu les choses comme cela, et les deux ont pu reconstruire sur une base assainie.

Lisons maintenant un texte fort connu souvent utilisé pour l’évangélisation, dans l’Évangile de Luc, au chapitre 19, les versets un à 10. Dressons d’abord le tableau : Israël était une nation conquise, sous contrôle de l’empire romain. Il se produisait quelque chose de classique à l’époque dans ce cas de figure : le transfert des richesses du pays conquis vers le pays vainqueur. Ce transfert s’opérait par le biais des impôts et des taxes. Telle était justement la charge des publicains : collecter les impôts et les taxes pour le pays vainqueur, et non seulement cela, mais s’assurer aussi d’une marge confortable pour eux-mêmes. Or personne n’aime payer les impôts ; collaborer avec l’occupant est considéré comme une trahison ; la fortune des publicains suscitait mépris et détestation. C’est ainsi par exemple, qu’il n’était pas autorisé à se rendre au temple ou à la synagogue, que leur témoignage n’était pas valable en justice, qu’ils étaient mentionnés avec les prostituées. Ils étaient vraiment considérés comme étant tout en bas de l’échelle : le mot du verset sept du texte lu renferme lui-même toute cette détestation : « un homme pécheur ».

Qu’est-ce qui poussait donc quelqu’un à acquérir une telle place ? À trahir son peuple ? À être méprisé et à vivre comme un paria dans la société ? L’argent. Tel était le cas de Zachée, pas un simple publicain qui plus est, mais un chef des publicains. Il avait tout sacrifié pour s’enrichir, comme aujourd’hui tant de couples, de familles, d’enfants, de vies spirituelles sont sacrifiées sur le même autel.

Sa petite taille ajoutée à la haine des juifs a rendu d’abord impossible pour lui de voir Jésus, ce qui était un vif désir. Pourquoi ? Le récit n’en dit rien ; était-ce la pensée de l’éternité ? Une désillusion liée à son idolâtrie ? Toujours est-il qu’il va grimper dans un arbre, ce qui dans la culture de l’époque était ridicule pour un homme adulte. Et également en redescendre devant tous, dans une vraie humilité, acceptant même le ridicule, ce qui explique que la grâce divine ait pu se manifester dans sa maison et dans sa vie.

Notons bien  quel a été le fruit de sa rencontre avec Jésus en rapport avec l’idole détrônée : relisons le verset huit. Voilà la puissance de l’Évangile ! Celui qui avait amassé pour lui-même, distribue. L’oppresseur devient le bienfaiteur. Justice et générosité se rencontrent et gouvernent désormais ses actes. Il a trouvé son salut en Christ ; il a trouvé son identité en Christ. Christ est désormais sa vie, et l’argent a retrouvé la place qui peut être sienne, c’est-à-dire celle d’un serviteur.

Ce récit met davantage en évidence la monstruosité que représente l’Évangile de la prospérité. Il ne suffit pas de citer des textes bibliques qui existent bien pour être dans la pensée de Dieu. Cet Évangile se nourrit d’un enseignement faussé qui cite des textes au détriment de l’ensemble de la doctrine biblique sur ce thème. Mais allons au fond des choses : ce que cet Évangile propose est en effet une monstruosité, puisqu’il s’agit de mettre la foi en Christ au service de la cupidité. Or, la cupidité est une idolâtrie, et doit être abandonnée comme toutes les autres idoles dans une démarche vraie envers Dieu.

Je conclus en vous rappelant le texte de la deuxième épître aux Corinthiens, au chapitre huit, et au verset neuf. C’est en rapport avec une utilisation de l’argent que Paul rappelle aux chrétiens ce haut fait glorieux. La venue de Jésus sur la terre, son abaissement, son humiliation jusqu’à la mort et même jusqu’à la mort de la croix ont été Sa pauvreté. Lorsque Christ est révélé, quel enrichissement pour nous ! Et lorsque nous sommes enrichis de la sorte, nous trouvons en général le bon rapport avec l’argent et les biens de la terre.