Emprisonnés dans des forteresses!

Pascal COLLET
18 décembre 2011

Emprisonnés dans des forteresses!

Nous lisons dans la deuxième épître aux Corinthiens, au chapitre 10, les versets un à six.

La théologie du combat spirituel se trompe dans son interprétation des forteresses de ce texte. En effet, celles-ci ne sont pas des démons ou des esprits territoriaux, mais comme le texte le dit, des raisonnements et des pensées. Conceptions, spéculations, logique fausse, choses arrêtées dans notre esprit : voilà les forteresses, et avec elles, nous voici donc dans le monde des idées, des arguments, des philosophies, des opinions… qui forment des hauteurs contre la connaissance de Dieu, c’est-à-dire en réalité contre Dieu tel qu’Il est vraiment, Ses voies, Sa volonté. N’est ce pas en effet présomptueux de suivre ses pensées, s’opposant à celles de Dieu? Les forteresses sont donc une logique établie dans le coeur des hommes opposée à la volonté de Dieu. L’idée contenue dans ce mot est bien celle d’une prison : la personne se fait elle-même prisonnière par ses propres pensées et idées fausses. Elle s’enferme elle-même.

Ces hauteurs peuvent priver quelqu’un de la grâce du salut. Lisons dans le deuxième livre des Rois, au chapitre cinq, les versets 10 à 12. Retenons l’expression du verset 11 : «… voici, je me disais… ». À ce moment-là c’est uniquement là que résidait le problème de Naaman. Bien sûr, il était lépreux, mais la grâce de Dieu était prête pour lui ; le miracle n’allait pas tarder à s’accomplir ; Dieu allait agir en sa faveur. Mais ce plan divin s’est d’abord heurté à sa logique, à ses conceptions :… voici je me disais… Et le voilà qui discute, qui argumente, qui trouve des raisons humainement défendables pour ne pas faire ce par quoi il serait guéri. C’est ainsi que nous aussi nous établissons nos références par nos pensées ; quelquefois nous sommes très heureux d’avoir eu raison, sans nous rendre compte qu’en réalité nous venons d’établir une forteresse qui nous emprisonne dans nos pensées et nous empêche de goûter à la grâce de Dieu.

Pourquoi ici dans cette salle, tous ne sont-ils pas sauvés ? Nous pouvons en effet reprendre à notre compte l’expression de la parabole en l’appliquant au salut en Jésus-Christ : « tout est prêt ». Ce salut est parfaitement accompli dans la personne du Fils de Dieu, mais il n’est pas accompli dans certaines vies présentes ici. Deux raisons peuvent l’expliquer : certains ne savent pas ce que Dieu a fait pour eux et ce qu’ils ont à faire pour recevoir Son salut ; mais d’autres ressemblent à Naaman : par leurs raisonnements faux, ils ont bâti une hauteur et ils en sont prisonniers. Comme ces hauteurs sont redoutables ! La capacité que nous avons à élaborer des pensées s’élevant contre la connaissance de Dieu est, quand on n’y réfléchit bien, effrayante ! Quelqu’un serait privé d’un salut préparé ? Et puis, la sagesse humaine a depuis fort longtemps forgé des systèmes, des philosophies contre le message de l’Évangile. Or Dieu cache les choses du royaume aux sages et aux intelligents, mais Il les révèle aux enfants. Je lisais il y a quelque temps l’origine du cantique numéro 48 sur le recueil des ailes de la foi. Ce cantique a été écrit par Adolphe Monod ; élevé dans une famille huguenote, il devient étudiant en théologie pour devenir pasteur. À 21 ans, il a contact avec des hommes du réveil de Genève : « je trouve chez ces gens-là un sérieux, un zèle, une conviction qui me frappe, me fait douter de ma piété, me fait honte de ma froideur, me fait craindre d’être dans l’erreur. Je veux laisser de côté toute considération humaine, prendre l’Ecriture, mon coeur et ma conscience, et juger. » Je fais ici une pause pour faire remarquer qu’il choisit de laisser de côté les » considérations humaines », c’est-à-dire ses pensées. Ne pouvait-il pas se prévaloir de sa famille huguenote fort connue ? De son titre de pasteur ? Le voilà dans une période marquée par les tourments. Un jour, accablé toujours par une mélancolie sans consolation écrit-il, je me dis tout à coup : d’autres ont été tristes avant toi ; ils ont trouvé la paix dans l’Évangile. Pourquoi ne l’y trouverais-tu pas ? Je rentrais chez moi, je me jetais à genoux et je priais comme je n’avais encore jamais prié de ma vie. À partir de ce jour, une vie intérieure nouvelle commença pour moi.

Quel était donc cette prière unique, sinon le cri d’un coeur dégagé de ces hauteurs, le cri d’un coeur simple motivé par une pensée simple : si d’autres ont été sauvés, tu peux l’être aussi !

Pour conclure, et sans rien enlever à ce qui ait été dit précédemment, il faut quand même bien remarquer que le texte lu en introduction concerne des chrétiens de l’église de Corinthe. Ces chrétiens étaient donc en prison par le fait de pensées qui ne coïncidaient pas avec la Parole de Dieu qu’ils connaissaient pourtant. Ceci nous guette nous aussi, par exemple par une manière de réagir qui est le plus souvent complètement fausse : heurté par quelque parole, une prédication, un conseil, une  répréhension, ou une iniquité, une injustice, nous disons : « puisque c’est comme ça… ». Nous devenons comme Naaman : furieux. Nous nous défendons, nous argumentons, nous contestons, nous établissons notre bon droit, sans nous rendre compte que nous venons probablement d’ériger une forteresse. J’ai aussi souvent remarqué que la logique des chrétiens pouvait être faussée dans la souffrance et par son moyen. Sans vouloir minimiser la réalité de la souffrance physique ou morale que quelques-uns d’entre nous connaissent, il faut dire ici que nous devrions davantage craindre nos réactions en pensée à la souffrance, que la souffrance elle-même. Nous entendons quelquefois des affirmations clairement contraires à celles de la Parole de Dieu, par exemple quand nous invoquons notre timidité, alors que la Bible dit depuis longtemps que l’Esprit que Dieu nous a donné n’est pas un esprit de timidité. Et puis je mentionne encore hélas, l’esprit de dispute qui battit aussi des forteresses dans lesquelles se retrouvent prisonniers ceux qui s’y livrent.

Paul encourageait Timothée à être un bon serviteur de Jésus-Christ, nourri des paroles de la foi et de la bonne doctrine qu’il suivait exactement (1 Tim 4/6). « Les paroles de la foi » nous ramènent bien évidemment aux saintes écritures. Je ne vous demande pas si vous lisais la Bible, mais si vous la mangez ! C’est le seul moyen pour s’en nourrir et pour penser juste : la Bible devenant comme partie intégrante de  nos pensées inspirera une logique conforme  au plan et à la volonté de Dieu. Là où est la foi, est aussi l’obéissance, et c’est bien, en rapport avec ces forteresses, ce que Paul visait : il voulait amener, notamment par son épître, toute pensée captive à l’obéissance de Christ. La solution divine aux forteresses est là : obéir à Christ.

Pour reprendre le message du prophète, n’est-il pas temps d’abandonner nos pensées ? De permettre à la Parole de Dieu de renverser nos hauteurs et de nous sortir de la prison constituée par nos raisonnements ?