Déchirez vos coeurs!

Pascal COLLET
3 novembre 2013

Déchirez vos coeurs!

Nous lisons dans le livre du prophète Joël, au chapitre deux, les 18 premiers versets.

Le pays subissait donc une invasion de sauterelles, préfigurant elle-même une armée d’invasion. Que pouvait-il alors se passer ? Un retour à Dieu pouvait encore changer l’avenir ; l’attente de Dieu  allait dans ce sens : « déchirez vos coeurs… ».

Cette expression nous interroge sur ce que devrait produire la Parole de Dieu dans les coeurs. Certes, je ne mésestime pas l’impact continuel de l’enseignement biblique répondant à l’ordre de Jésus donné  dans l’Évangile selon Matthieu,  au chapitre 28 et au verset 20. La Parole de Dieu peut alors vraiment être  comme des gouttes d’eau tombant sur l’herbe (Deut 32/2). Toutefois, nous considérons que pour des raisons diverses, nous avons aussi besoin du genre de réaction mentionnée dans le livre du prophète Joël. On peut s’interroger sur l’impact , immédiat d’abord, puis durable, de la Parole de Dieu. Car l’expression soulignée évoque plus qu’un coeur touché, plus qu’un coeur qui prend en compte ce que dit Dieu, plus qu’un coeur qui se laisse convaincre :  un coeur qui s’ouvre avec passion. La réaction est vive, il y a une forme de douleur morale, les entrailles sont émues. Ce style de réaction nous fait penser au roi Josias.  Allons dans le deuxième livre des Rois, au chapitre 22, les versets 10 et 11. Ce roi pieux n’a pas seulement déchiré ses vêtements, mais aussi son coeur : lisons le verset 19.Ainsi donc, la seule lecture du livre de la loi a donné conscience de Dieu à Josias, et l’a amené à savoir que la situation  du peuple ne correspondait pas à la volonté de Dieu exprimée dans le livre. Comme nous sommes loin des auditeurs oublieux, des coeurs tellement appesantis qu’ils ne réagissent plus, des coeurs faussement satisfaits…

Un roi pieux a déchiré son coeur. Un être humain sans en communion avec Dieu  pourrait aussi le faire, comme aussi un fils prodigue de notre temps.

Oui, il y a une forme de passion sainte dans cette expression. Ne correspond-t-elle pas  à la passion de Dieu pour nous ? Le verset 18 mentionne la jalousie de Dieu. Cette jalousie est différente de celle qui appartient aux oeuvres évidentes de la chair, qui elle, est une manifestation de l’envie se transformant en un sentiment hostile. La jalousie de Dieu, c’est l’intensité de son amour pour son peuple : Dieu éprouve pour son pays un amour passionné, dit une autre traduction.

Nous sommes entrés dans ces temps difficiles décrits par l’apôtre Paul à Timothée où les hommes seront insensibles. Une prédication inspirée, biblique, juste présentant la gloire de Jésus-Christ, ou bien la beauté du ciel, ou encore l’horreur de l’enfer semble  laisser certains coeurs de marbre. Il y a une part d’insensibilité qui s’est certainement installée insidieusement pour qu’il en soit ainsi. Ne peut-on pas aussi regretter  une « sophistication » des coeurs, les amenant à perdre de leur simplicité ? La raison,  exprimée dans la réflexion ne doit pas étouffer l’élan vers Dieu.

Déchirez vos coeurs ! À la manière d’un Jacob qui avant cela, avait marchandé avec Dieu (Gen 28/20-22), et fut pendant un temps  un « gagnant » même par la tromperie. Mais en cette nuit-là, quand il se retrouve seul et qu’un personnage inconnu  tout d’abord vient lutter avec lui, la situation est autre : Jacob est effrayé par la perspective de devoir rencontrer le frère qu’il avait trompé des années auparavant, Ésaü. Alors que le personnage, au lever de l’aurore, dit à Jacob : « laisse-moi aller »,  celui-ci lui répond : « je ne te laisserai pas aller, que tu ne m’aies béni». (Gen 32/24-26). En cette occasion, Jacob a véritablement dépouillé son coeur de tout faux-semblant, de toute fierté, pour solliciter la grâce de celui qui était venu le combattre.

Déchirez vos coeurs ! À la manière, pourquoi pas, des disciples d’Emmaüs rencontrant celui qui était d’abord pour eux un inconnu, leur exprimant rudement leur manque d’intelligence et leur lenteur à croire les Ecritures,  puis les-leur ouvrant  à partir de Moïse et des prophètes, de telle sorte qu’en chemin,  leur coeur se mit à brûler ! Lorsque ces deux disciples furent arrivés à leur destination, Jésus parut vouloir aller plus loin, et c’est ce qu’Il aurait fait. Mais l’Évangile dit : « mais ils le pressèrent… » (Luc 24/25-32). « Ne t’en va pas ! Nous en voulons encore ! Parle nous encore des Ecritures ! »

Déchirez vos coeurs ! À la manière de ces ouvriers d’iniquité qui un jour, conscients enfin de l’enjeu, voudront entrer dans le royaume de Dieu et prieront à cet effet : « Seigneur, seigneur, ouvre-nous! » (Luc 13/24-27). Leur prière ne sera pas exaucée, mais nous pouvons facilement imaginer avec quelle intensité et quel désir ils la formuleront.

 Déchirez vos coeurs ! À la manière, sans parole cette fois, de la femme pécheresse qui est venue dans la maison du pharisien pour se tenir derrière aux pieds de Jésus.  (Luc 7/36-38).Dans la maison du pharisien  ! En sachant pertinemment ce qui l’y attendait: des regards, des attitudes et des paroles de mépris, en dehors de Jésus. Mais cela ne l’arrête pas ; sa conscience  sait qu’elle trouvera la paix auprès de Jésus. Elle déchire son coeur dans ses pleurs et son attitude aux pieds de Jésus.

Veillons sur notre contact quotidien avec la Parole de Dieu, qui sans aucun doute nous communique la grâce de Dieu, mais veillons aussi à ne pas nous installer dans une insensibilité spirituelle, ou dans une forme de pesanteur qui laisserait nos coeurs de marbre là où il faudrait qu’ils soient vivement touchés.