Aimer plus et être moins aimé !

Pascal COLLET
16 septembre 2012

Aimer plus et être moins aimé !

Nous lisons dans la deuxième épître aux Corinthiens, au chapitre 12, le verset 15. C’est la question posée par Paul à la fin du verset 15 qui va retenir notre attention ce matin. C’est un coeur pressé et habité par l’amour divin qui était prêt à se dépenser pour le prochain, tout en entrevoyant qu’il n’en serait pas forcément davantage aimé, et que peut-être même, il en serait moins aimé. C’est là une curieuse situation : une personne »A » aime davantage une personne « B » , mais en retour, cette dernière aime moins la personne »A » !

Il faut tout de suite préciser ce que nous entendons par aimer. J’en donne une définition simple mais qui va à l’essentiel tout en étant courte : aimer, c’est vouloir le bien du prochain, et y contribuer si nous le pouvons. Le bien n’est pas à confondre avec ce qui plaît. Dans notre optique biblique, le bien et ce qui est conforme à la volonté de Dieu. La vieille nature attend ou n’attend que ce qui lui plaît ; la nouvelle aspire après ce qui est bien c’est-à-dire conforme à la volonté de Dieu.

Aimer de cette manière, qui était la manière de Paul c’est courir le risque de l’impopularité. Mais le fait même d’accepter ce risque, et la souffrance qui en est engendrée n’est-il pas une belle preuve d’amour ? Cet amour-là est selon Dieu.

Nous pouvons être certains sans l’ombre d’un doute que Dieu veut notre bien… pas forcément à notre manière ! Le chrétien éclairé par la Parole de Dieu ne peut plus douter de l’amour de Dieu pour lui. Relisons des textes bien connus affirmant que cet amour est, et qu’il a été prouvé d’une manière incontestable : première épître de Jean, au chapitre quatre, les versets neuf et 10; épître aux Romains, chapitre cinq, le verset huit. Les êtres humains sont donc tellement aimés de Dieu ! Pourtant, en les aimant tellement, Dieu est réellement moins aimé par beaucoup. Cette constatation est évidente. Pourquoi ce fait ? Il tient me semble-t-il aux moyens de grâce que Dieu a choisis, et qui sont conformes à notre bien réel: la foi en Jésus-Christ crucifié, qui heurte de plein fouet la foi en nous-mêmes ; la repentance, qui est un véritable jugement que l’ être humain porte sur lui-même,et qui va à l’encontre de l’estime de soi. Et voilà comment, Dieu en aimant davantage, accepte d’être moins aimé !

Ceci est aussi vrai pour les parents. Lisons un texte biblique dans le livre des Proverbes, au chapitre 13, le verset 24. Les parents chrétiens savent ce qui est bien pour leurs enfants, et avec la grâce de Dieu, travaillent à y parvenir. Ceci inclut la correction, comme aussi la direction, le commandement. Or nous constatons que l’amour n’est jamais aussi près d’échouer que quand il s’agit de corriger l’enfant, ou de lui dire non, au risque de lui déplaire. Et pourtant, lorsque la Bible parle de l’enfant livré à lui-même, ce n’est pas pour en faire le compliment, mais pour souligner la dangerosité de cette situation pour l’enfant, bien qu’après tout celui-ci puisse se trouver sur le moment fort content de n’être ni commandé, ni dirigé, ni contrarié ! Lisons le texte qui se trouve dans le premier livre des Rois, au chapitre premier, les versets cinq et six. Le Saint Esprit lie ici les deux faits de l’éducation donnée à cet enfant et de cette entreprise orgueilleuse. L’éducation ne consiste heureusement pas seulement à adresser des reproches, mais poursuivre le bien de l’enfant nous amène aussi à lui faire des reproches motivés. Les parents ont-ils peur de déplaire ? De contrarier ? De commander ? C’est-à-dire d’être les éducateurs de leurs enfants, car ce rôle leur revient à eux, et non à l’éducation nationale, à la télé ou aux médias. Le parent qui aime ses enfants selon Dieu ne cherchera pas à être populaires auprès d’eux, et il acceptera d’être impopulaire, au moins jusqu’au temps de leur conversion, lorsqu’ils  auront grandi, et qui alors, avec un coeur et un oeil neufs verront enfin clairement le privilège qu’ils ont eu auparavant.

Aimer davantage et être moins aimé est aussi le propre du pasteur. Normalement, apprenant à connaître les brebis du troupeau du Seigneur qui lui ont été confiées, et ayant une communion intime avec le Souverain Pasteur, il sait ce qui doit être atteint par les chrétiens. Le but global est élevé mais réalisable. Le pasteur exercera son ministère dans cette optique, et non pour d’autres motivations comme par exemple le désir d’être (encore !) populaire. Dans le grand ensemble des oeuvres et des actions du ministère pastoral visant au bien réel des disciples, il y a place, à côté de beaucoup d’autres choses, pour la répréhension, la censure, l’exhortation (2 Tim 4/2). Et si, au lieu de dire rapidement, quand ces oeuvres pastorales certes peu sympathiques sont accomplies : « ce pasteur manque d’amour », renouvelés par l’Esprit de Dieu, nous reconnaissions au contraire qu’il aime vraiment, au point de courir le risque d’être moins aimé en retour ? Dans un premier temps, les chrétiens de Galatie ont vécu pour Paul un amour ardent : ils se seraient arrachés les yeux pour les lui donner si cela avait été possible ; était venu un autre temps, amenant Paul à les interroger pour savoir s’il était devenu leur ennemi en leur disant la vérité (Gal 4/15-16).

Aimer davantage et être moins aimé en retour ! Ce sera aussi quelquefois l’expérience attristante du témoin chrétien. Nous apprenons du Sauveur à aimer les âmes, et ceci ne nous conduit pas dans un long fleuve tranquille. C’est par amour que nous témoignons à l’un ou à l’autre, et il n’est pas rare que nous « récoltions » de la moquerie, de la méchanceté etc. Nous laisserions-nous intimider ? Décourager ? Mais quand un destin est en cause, il faut passer au-dessus de ces désagréments, et accepter de courir le risque d’être moins aimé en aimant davantage. Et puis, si nous souffrons, pourvu que ce soit pour Christ ! Et alors, comme l’apôtre Pierre l’a écrit, nous serions malgré la souffrance, heureux, parce que l’Esprit de Dieu repose sur nous.

Ce texte nous encourage à mieux aimer, tout en demeurant lucides : en aimant davantage, il est possible que nous soyons moins aimés.